Nous avons eu le plaisir d’interviewer Emma Brodén, originaire de Suède et aujourd’hui installée en Suisse. L’objectif de cette rencontre ? Découvrir la vie et le regard d’une personne venue d’ailleurs, qui s’est assez vite enracinée dans la région.
Nous avons échangé avec Emma pour en savoir plus sur ses passions, sa perception de la vallée, et son travail au Camping des Glaciers, à La Fouly.
Très active sur les réseaux sociaux, Emma partage à travers ses photos ses balades, les paysages qui l’entourent, et les sports qu’elle aime pratiquer dans les environs. Entre La Fouly en été et Crans-Montana en hiver, elle nous parle aujourd’hui avec sincérité de son amour pour cette région qu’elle considère désormais comme chez elle.
Pouvez-vous nous raconter votre histoire de vie en quelques mots ?
Je viens de Suède, où j’ai grandi jusqu’à l’âge de 20 ans environ. J’y ai suivi une formation en tourisme, et j’ai effectué un stage aux Diablerets en 2009. C’est comme ça que je suis arrivée en Suisse. J’y passais mes hivers, et l’été, je voyageais un peu à droite et à gauche.
Je voulais trouver un travail en Suisse pour la saison estivale et, comme j’avais fait pas mal de camping quand j’étais petite, j’ai décidé d’envoyer plusieurs candidatures dans différents campings. Finalement, le Camping des Glaciers à La Fouly m’a acceptée, et j’ai commencé à y travailler en 2016.
Cela fait maintenant dix ans que je travaille comme professeure de ski à Crans-Montana l’hiver, et à La Fouly l’été. Aujourd’hui, je peux dire que je me sens plus chez moi ici qu’en Suède.


Connaissiez-vous déjà la région avant d’y venir travailler ? Quelles ont été vos premières impressions en découvrant le village ?
Non, je ne le connaissais pas. Je n’étais encore jamais venue à La Fouly avant de vraiment commencer le travail.
Ma première impression de La Fouly, c’est que c’est sauvage, beau, avec de grandes montagnes, et un village vraiment authentique. Je me suis sentie vite chez moi, aussi grâce aux gens.
J’adore la nature, et c’est sûr que ça a beaucoup aidé. Mais c’est vrai que les gens ici aussi… À La Fouly, la vie est simple, on vit la montagne. On n’a pas besoin de beaucoup de choses dans la vie. Quand on habite en ville, on pense plus à avoir une belle maison, une belle voiture, de jolis habits… Mais ici, ce n’est pas très important.
Quels sont vos endroits préférés ici, que ce soit pour vous détendre, randonner ou explorer ?
J’aime bien marcher, j’adore aller aux Lacs de Fenêtre. Souvent, pour y aller, je prends la voiture jusqu’aux Ars, puis je monte à pied, il me faut un peu plus d’une heure. Même si j’ai peu d’heures de pause, j’aime bien y aller pour me baigner, c’est toujours très paisible. J’y suis même montée hier, il faisait très frais et il y avait très peu de monde.
Je me baigne souvent dans le lac, j’aime de plus en plus l’eau froide, c’est une bonne sensation dans le corps, comme une récompense après la randonnée.
Ici, à La Fouly, j’adore le col du Basset ou le col du Bandarray, mais le col du Basset, c’est vraiment mon endroit préféré, avec tous les edelweiss. J’aime bien faire la randonnée jusqu’à la cabane d’Orny, ou jusqu’à Trient. La vue depuis le Catogne est aussi incroyable.
Le lac de Champex, pour me baigner, c’est idéal, et l’eau est un peu plus chaude que dans les Lacs de Fenêtre. Mais c’est vrai que quand je prends la voiture, j’ai tendance à aller un peu plus loin, dans d’autres vallées. Cela dit, je reste souvent par ici, autour de La Fouly. Je n’ai pas besoin d’aller bien loin pour trouver des paysages magnifiques.
J’ai beaucoup de chance au travail car j’ai deux jours de congé par semaine, et des horaires irréguliers. J’ai donc souvent de longues pauses pendant la journée et je peux m’adapter aux souhaits de mes collègues. Je peux travailler le soir pour avoir quelques heures de libre dans la journée et pouvoir randonner.



Que diriez-vous à quelqu’un qui ne connaît pas encore la région pour lui donner envie de venir ?
Si on aime la nature, la tranquillité, un village authentique, ici on trouve tout ce qu’il faut entre les commerces et le restaurant. Mais surtout, La Fouly c’est la nature et le repos.
Au camping, nous avons beaucoup de Néerlandais qui viennent de grandes villes, et qui ont besoin de ne plus entendre le bruit urbain. Ils apprécient particulièrement le silence.
Mais La Fouly est une station bien adaptée aux familles, il y a beaucoup d’activités qui leur sont proposées, et l’environnement s’y prête très bien.
Avez-vous un souvenir marquant lié à la montagne ou à un paysage local ?
J’ai un très joli souvenir. Je connaissais bien un berger qui travaillait ici il y a quelques années. Une nuit, j’ai dormi dans sa cabane aux Arpalles des Ars, juste en dessous du col de l’Arpalle. Le soir au coucher du soleil il y avait des couleurs magnifiques sur les montagnes, une ambiance à la fois mythique et sauvage.
Je n’oublierai jamais ce moment, c’était vraiment magnifique. C’était aussi très fort de passer du temps avec quelqu’un qui vit réellement dans la montagne. Nous, on habite en station, alors que les bergers logent et vivent vraiment là-haut, en pleine nature.
La cabane n’avait ni électricité ni eau. La vie y était très, très simple, mais l’expérience, et surtout le lien que nous avons eu avec la nature, était incroyable.

Qu’aimez-vous le plus dans votre travail ici, en été ?
Le contact avec la clientèle, et aussi le fait de résoudre des problèmes, c’est quelque chose que j’aime vraiment. Ce qui me plaît le plus, c’est de rendre un client content, d’une manière à laquelle il ne s’attendait pas.
Par exemple, un monsieur est venu il y a trois jours. On lui avait donné une place proche des toilettes, car le reste du camping était plein. Avec un peu de travail sur le planning, j’ai réussi à lui proposer deux autres emplacements, et il était vraiment heureux, car il ne pensait pas que ce serait possible.
Comme ça fait dix ans que je suis ici, j’ai beaucoup de clients que je connais déjà. Il y en a, par exemple, qui sont venus pour la première fois il y a quatre ans, et j’étais contente de les revoir.
Pourriez-vous nous décrire une journée type au sein du camping ?
Le matin, on vend du pain. Les gens peuvent le commander la veille. Ensuite, dans la matinée, on s’occupe des check-out.
Au milieu de la journée, on répond surtout aux questions sur ce qu’il y a à faire dans la région. On conseille des randonnées, des balades ou d’autres activités.
L’après-midi et le soir, ce sont les arrivées, donc on s’occupe des check-in et on aide les gens à s’installer. On reprend aussi les commandes de pain pour le lendemain.
Il y a une équipe de nettoyage qui s’occupe des espaces communs, mais les gens sont très respectueux et laissent les lieux propres. Les journées changent entre la haute et la basse saison. En basse saison, on a plus de temps à passer avec les clients, et on peut créer un lien. En haute saison, on a moins de temps pour ça.
Le matin, je commence vers 7h30, et je termine peut-être vers 20h ou 21h, avec quelques heures de pause dans la journée, autour de midi, c’est le moment le plus calme, et la réception est souvent fermée en milieu de journée pendant la basse saison. Par contre, en haute saison, elle reste ouverte toute la journée. Ça ne me dérange pas de travailler tard, parce que ça me permet de profiter des pauses en journée pour aller me balader.
Y a-t-il un aspect de votre travail qui vous rend particulièrement fière ?
Je pense que je réussis plutôt bien à garder ma patience et le sourire, même face à certains clients qui peuvent être compliqués. Globalement, on a de la chance : on travaille dans un cadre très positif. Comme je suis là depuis longtemps, c’est souvent moi qui m’occupe de régler les problèmes.
Ce que je trouve très enrichissant dans mon travail, c’est d’essayer de redonner le sourire aux personnes qui ne sont peut-être pas satisfaites, à celles qui ont passé une mauvaise journée ou rencontré des soucis sur la route, par exemple. J’essaie toujours de leur apporter un peu de positivité. Je le prends comme un défi.
Ça ne fonctionne pas à chaque fois, mais quand j’y parviens, c’est vraiment très satisfaisant.
Avez-vous vu évoluer le camping ou les visiteurs au fil des années ?
J’ai l’impression qu’il y a de plus en plus de randonneurs du Tour du Mont-Blanc, et depuis le Covid, je trouve qu’on a aussi plus de Suisses allemands.
On essaie toujours d’améliorer les emplacements : de mieux délimiter les places, de les rendre plus plates… C’est un travail qu’on fait depuis une dizaine d’années.
On a de plus en plus de monde chaque année, je dirais même grâce au Covid. Les gens apprécient beaucoup faire du camping, peut-être aussi à cause du contexte actuel : comme le monde est incertain, je pense que les gens ont envie de revenir à quelque chose de plus simple, de se rapprocher de la nature.
Avoir un camping-car permet aussi de ne pas trop planifier. Les gens cherchent une vie simple.


Quel est le moment le plus touchant ou inattendu que vous avez vécu au camping ?
Quand je suis venue ici, c’était au début juste pour un travail d’un été. Au fil des années, je me suis liée d’amitié avec un monsieur qui passe un mois ici, au camping, chaque année en basse saison.
J’ai eu beaucoup de temps pour parler avec lui. Récemment, je suis même allée lui rendre visite en Suisse alémanique. Ce qui est touchant, c’est qu’il a 75 ans, et c’est toujours un plaisir de le revoir chaque année.
On se raconte tout, nos problèmes de famille, ce qui se passe dans nos vies. Pour moi, c’est plus un membre de la famille qu’un client. Et quand il repart, à la fin de son séjour d’un mois, j’ai souvent les larmes aux yeux. Je n’aurais jamais imaginé créer des liens comme ça avec des gens, quand je suis arrivée à La Fouly il y a dix ans.

Y a-t-il une « légende locale » ou une histoire que vous aimez raconter aux visiteurs ?
Pas vraiment une légende, mais pour les gens qui restent une semaine, qui aiment se balader, une fois qu’ils ont fait toutes les cabanes « traditionnelles », j’aime leur parler de mon endroit préféré : le Col de Bandarray.
Ce n’est pas un endroit bien indiqué sur une carte, donc les gens ne savent pas forcément qu’il est possible d’y accéder. La personne qui me l’a fait découvrir, c’est le berger chez qui j’avais dormi en cabane à l’Arpalle des Ars. Pour moi, c’est un endroit magnifique, très facile d’accès. C’est un peu un trésor caché.
Ce que je trouve le plus impressionnant, c’est qu’une fois arrivée au col, on voit deux énormes sommets : le Mont Blanc et les Grandes Jorasses, juste en face. C’est vraiment très beau.
Qu’est-ce que ce travail ou cette région vous a appris sur vous-même ?
Ça va peut-être paraître un peu répétitif, mais ça m’a sûrement appris que je n’ai pas besoin de grand-chose dans la vie. J’ai juste besoin de la nature autour de moi, d’une vie simple. Avant, je me disais qu’il fallait avoir un appartement, une voiture, ce que beaucoup considèrent comme nécessaire dans la vie, j’ai réalisé que ce n’était pas essentiel pour moi.
Comment voyez-vous l’avenir du camping ou du tourisme local ?
Moi, je pense que ça ira de mieux en mieux. À cause des changements climatiques, les destinations en montagne fonctionnent bien, et je crois que ça continuera dans l’avenir. Mais il y a aussi toute cette tristesse dans le monde… Les gens cherchent un havre de paix, ils recherchent plus de calme.
Ils n’ont plus forcément envie d’avoir des animations tout le temps. Avec la vie frénétique de tous les jours, ils veulent surtout se poser, se reposer.
Le camping s’améliore toujours. On a de plus en plus de randonneurs du Tour du Mont-Blanc. On tient à rester simples, on ne veut pas devenir trop grands ni trop touristiques. On n’a pas d’animations, et c’est volontaire, on veut vraiment offrir cette tranquillité à nos clients, parce qu’on sent qu’ils en ont besoin.
Notre objectif, c’est de continuer à bien faire les choses, comme on le fait déjà. On essaie de garder un haut standard de service, et on forme le nouveau personnel pour qu’il s’y adapte.
On a de la chance parce que beaucoup de saisonniers reviennent chaque année, ils connaissent bien le camping, et ça permet de maintenir un bon niveau de service. Mais avec les nouveaux, on prend aussi le temps de leur apprendre, parce que c’est sûr que ça s’apprend. Et le service, ici, est très apprécié par les clients.